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Une commerçante à Goma dans le marché Alanine |
Depuis plusieurs mois, l’armée congolaise se bat contre les
rebelles du M23 et tente de les garder à distance de la ville de Goma, capitale
de la province du Nord-Kivu, à l’est de la République démocratique du Congo. Si
la ville n’a pas été prise par les rebelles, son économie n'est pas épargnée
car le M23 rançonne les camions de marchandises qui la ravitaillent.
Les camions qui acheminent des marchandises venant du reste
du pays sont obligés de passer par une route partiellement contrôlée par les
rebelles qui imposent des taxes exorbitantes. Des frais qui découragent de
nombreux distributeurs de denrées alimentaires de se rendre à Goma et forcent
ceux qui continuent de s’y rendre à augmenter leur prix. Les marchés de la
ville sont donc de moins en moins approvisionnés et les aliments qu’on y trouve
sont de plus en plus chers.
Les rebelles du M23 faisaient partie d’une milice, dirigée
par des officiers tutsis, qui avait rejoint les rangs de l’armée il y a trois
ans, avant de déserter en avril. Ils accusent le gouvernement de ne pas avoir
tenu des promesses formulées dans un pacte signé le 23 mars 2009 (d’où leur nom),
notamment concernant leur rémunération et leurs grades.
Depuis plus de quatre
mois, les rebelles sèment la terreur au Nord-Kivu. Ils ont réussi à prendre
plusieurs villes-clés de la région, dont Rutshuru, à 70 kilomètres de Goma.
C’est là qu’ils ont installé leur administration. Les habitants des zones où se
déroulent les affrontements entre le M23 et l’armée rapportent que les rebelles
enlèvent des enfants pour les amener au front. Les rebelles sont sous les
ordres du général Bosco Ntaganda, surnommé "Terminator", qui fait
l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale depuis 2006 pour
enrôlements d’enfants.
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Les camions de ravitaillement à l'entrée de Goma |
Le prix du manioc a quasiment doublé !"
Charly Kasereka vit à Goma. Il est étudiant en journalisme
et tient un blog(www.actudukivu.blogspot.com) où il rend compte de l’actualité de sa région.
Actuellement, on ne trouve plus grand-chose sur les marchés
de Goma et tout est devenu très cher : le maïs, les haricots, le lait, tous les
produits de base… Avant, un sac de manioc de 100 kilos coûtait entre 25 et 30
dollars américains ; aujourd’hui, cette même quantité coûte entre 45 et 50
dollars [entre 35 et 40 euros]. Et un kilo de haricots, par exemple, qui
coûtait 0,5 dollar, coûte maintenant presque un dollar [0,80 euros]. Ces
produits de base ont quasiment doublé de prix ! Dans une ville où la population
est déjà très pauvre, les gens souffrent. Beaucoup de personnes sont au
chômage, et le salaire moyen d’une personne qui vit de petits commerces ou est
employé de magasin n’est que de 20 à 30 dollars par mois [16 à 24 euros].
L’alimentation est donc devenue quasi hors de prix.
Il y a quelques jours, j’ai rencontré des chauffeurs de
camion qui se plaignaient de leurs conditions de travail. L’un d’entre eux, qui
transporte des marchandises entre Goma et Lubero (à 215 kilomètres) depuis dix
ans, m’a expliqué qu’auparavant il lui fallait 8 heures de route pour atteindre
Goma ; aujourd’hui, ça lui prend 14 heures. Depuis qu’ils ont pris Rutshuru
début juillet, les rebelles du M23 ont multiplié les barrages et procèdent à de
longues inspections des camions. Sur son dernier trajet, ils l’ont taxé 350
dollars [285 euros] pour sa cargaison de manioc ; avant l’arrivée des rebelles,
il payait tout au plus 50 dollars [40 euros] de taxes. Les camions qui
transportent des planches de bois pour la construction sont taxés encore plus
durement [Selon Radio Okapi, chaque camion transportant des planches de bois
est taxé 1 000 dollars, soit 815 euros, ndlr]. Sur d’autres tronçons de route,
il m’a dit que des soldats de l’armée congolaise lui avaient également demandé
de petites sommes, pour se payer des cigarettes…
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le chauffeur de camion à l'entrée de Goma |
"Les rebelles du M23 multiplient les barrage routiers
et taxent tous les camions"
Moi-même, j’ai récemment effectué plusieurs aller-retour sur
cette route, entre Goma et Rutshuru, ville contrôlée par les rebelles. Ils ne
laissent passer personne après 17 heures. Sur la route, j’ai compté trois
barrages tenus par les M23. A l’un d’entre eux, ils ont contrôlé mon identité
et m’ont fouillé. Quand ils ont vu que j’avais un appareil photo, ils ont pris
peur – ils pensaient que je pouvais être un espion. Ils ont fini par me laisser
passer en m’interdisant formellement de prendre des photos, et m’ont dit que
s’ils voyaient des clichés de leurs opérations sur ma page Facebook ou autre
part, ils me retrouveraient.
Avec tout ce qu’on entend à leur sujet – les exactions, les
enlèvements – peu de personnes, à moins d’avoir des intérêts commerciaux très
importants, se risquent encore à prendre cette route. Même pas pour visiter
leur famille.
Il y a bien quelques autres routes qui passent par Goma.
Mais deux d’entre elles sont au moins aussi dangereuses, car elles passent par
des zones où un nouveau groupe armé sème la violence. Et de toute façon,
prendre ces autres routes contraint les camions à effectuer d’énormes détours.
Il est toujours possible de se rendre au Rwanda [Goma se trouve près de la
frontière rwando-conglaise, ndlr]. Mais là-bas, on trouve surtout de
l’électroménager, des vêtements, etc., mais pas de denrées alimentaires. Les
Rwandais eux-mêmes viennent faire leur marché chez nous. La route Beni-Goma est
donc absolument essentielle.
Les habitants de Goma espèrent maintenant que les autorités,
ou même la Monusco [la mission de l’ONU en RDC, ndlr], vont faire quelque
chose, et vite, pour éviter que Goma ne sombre dans la famine.
Article édité en collaboration avec les site Observateurs de FRANCE 24 Cliquez ici :http://observers.france24.com/fr/content/20120816-taxee-rebelles-m23-nourriture-devient-hors-prix-goma-republique-democratique-congo-rdc-camions-route-nationale
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